L’expérience réussie de 1793
Les travaux de Claude Chappe l’amènent à l’invention de plusieurs systèmes, de techniques différentes, avant de parvenir à l’appareil définitif. Il obtient la permission d’expérimenter ce nouvel appareil, à panneaux pivotants, qui est installé sur l’un des pavillons de la barrière de l’Étoile à Paris, c’est-à-dire sur une des portes des fortifications entourant la ville à cette époque. Mais, faute de surveillance, l’appareil est aussitôt détruit par des voleurs de bois ! Le 22 mars 1792, Claude Chappe se présente à l’Assemblée législative et vante les avantages militaires de ses projets :
« Je viens offrir à l’Assemblée nationale, l’hommage d’une découverte que je crois utile à la chose publique [...] ».
Le journal Le Moniteur relate ainsi cette séance dans son numéro du 24 mars 1792 :
« Monsieur Chappe, neveu du célèbre abbé de ce nom, introduit à la barre, fait hommage à l’Assemblée d’une découverte dont l’objet est de communiquer rapidement à grandes distances, tout ce qui peut faire le sujet d’une correspondance ; il assure que la vitesse de cette correspondance sera telle que le corps législatif pourra faire parvenir des ordres à nos frontières et en recevoir la réponse pendant la durée d’une même séance. »
Cela devient d’autant plus intéressant que l’Assemblée déclare la guerre à l’Autriche moins d’un mois après, le 20 avril 1792. Il serait donc très utile d’échanger rapidement des renseignements sur l’emplacement et le nombre des troupes ennemies et de communiquer très vite les ordres des chefs militaires.
À l’automne 1792 à Ménilmontant, une autre installation télégraphique, toujours à volets, est aussi endommagée par les Parisiens qui craignent que le roi Louis XVI ne s’en serve pour communiquer avec les souverains étrangers, afin de leur demander de l’aide contre le gouvernement établi par la Révolution.
Les défaites militaires amènent l’Assemblée, le 11 juillet 1792, à déclarer la patrie en danger afin de mobiliser toutes les énergies et les initiatives des citoyens pour repousser l’invasion. En septembre, le roi Louis XVI est déchu et la République proclamée ; une nouvelle assemblée nationale, la Convention est élue. Après l’exécution du roi en janvier 1793, la guerre civile débute en Vendée, toute l’Europe se coalise contre la France. Malgré tout, l’invention de Claude Chappe ne trouve pas d’écho immédiat.
Juillet 1793 : l’expérimentation du projet définitif
Des essais sur la transmission des idées à grande distance sont tentés par des chercheurs de plusieurs pays mais n’aboutissent pas avant que Claude Chappe ne mette au point son télégraphe.
Il élabore l’appareil définitif en 1793, avec l’aide de l’horloger Breguet, spécialiste des mécanismes. Le 1er avril, le député Romme défend l’invention de Claude Chappe devant la Convention qui décide de faire procéder à des essais.
Trois députés, dont le savant Joseph Lakanal, sont désignés pour assister à l’expérience finale. Elle a lieu le 12 juillet 1793, à Paris, entre Ménilmontant, Écouen et Saint-Martin-du-Tertre, à 25 km au nord de Paris. Lakanal en fait le compte rendu à l’Assemblée le 26, en vante les avantages, précise le coût d’installation d’une ligne entre Paris et les frontières du Nord. La Convention est convaincue par Lakanal et, le 4 août 1793, elle décrète la création de la première ligne télégraphique entre Paris et Lille.
Le gouvernement ne souhaite pas voir se développer des lignes privées. Il place le télégraphe sous le contrôle des autorités militaires et Claude Chappe est rattaché au ministère de la Guerre. Il obtient le titre d’ingénieur télégraphe, selon l’expression de l’époque, avec la solde d’un lieutenant de génie.